2023 fut très mouvementée pour l’immobilier d’entreprise en général en France et en Europe, et en particulier en matière d’investissement où les montants placés ont baissé de plus de moitié par rapport à 2022. L’activité locative sur le marché des bureaux (qui sert souvent de baromètre) en Europe a également baissé mais dans une bien moindre mesure (-17%)1. Ce tableau en deux teintes renvoie à la différence entre l’économie « financière » et l’économie « réelle » que nous évoquions l’an dernier. Et puisque les crises viennent toujours avec une vertu, voici celle que nous lui voyons : faire revenir le balancier de l’immobilier d’entreprise du côté de l’économie réelle.
Ce rééquilibrage remet en lumière un aspect central de nos métiers : apprécier et gérer les risques, pour s’assurer que tel ou tel actif offre et offrira une rémunération cohérente par rapport au taux de référence (i.e. le coût de la dette des États). Dans ce mouvement, la dynamique des marchés a été différente : en France les vulnérabilités se sont révélées être du côté des bureaux en Île-de-France (hors Paris), alors que les métropoles et leurs régions ont bien tenu en bureaux. En Europe des opportunités se sont fait jour, sous l’effet de la hausse des taux qui a eu un impact marqué dans les pays où les financements et refinancements se font à taux variable ; c’est notamment le cas de l’Espagne et des Pays-Bas, où nous avons pu saisir des opportunités. Sur le plan sectoriel, l’émergence de nouvelles thématiques d’investissement s’est renforcée. Cette émergence nous l’avons identifiée comme étant une opportunité et conformément à ce qui a été annoncé l’an dernier, nous avons continué et continuerons à investir dans ces secteurs propices à la diversification des revenus : locaux d’activité, sciences de la vie, hôtellerie sous différents formats, santé, éducation. Dans cette perspective je vous propose une revue des principaux segments de marché, avec la vision qui guidera nos investissements en 2024.

Les bureaux en Île-de-France : nous resterons à l’écart, sauf opportunité
Le marché des bureaux en Île-de-France souffre désormais d’une vacance élevée mais avec de fortes disparités d’un secteur à l’autre. Soulignons que certains facteurs de réduction progressive de l’offre sont en marche, à l’instar de la réduction de l’activité des promoteurs et de la raréfaction des financements disponibles pour des développements spéculatifs ; mais cela ne se constatera réellement qu’à partir de 2025. Nous continuerons à sous-pondérer ce marché dans nos allocations, et nous nous tiendrons particulièrement éloignés des grandes surfaces monolocataires et/ou de La Défense (où nous n’avons pas de patrimoine) et/ou de la première couronne nord ; tout en nous autorisant à saisir des opportunités qui pourraient se présenter, en fonction de la qualité de l’emplacement, du bâti, du locataire, et du bail.
Point de repère : la vacance locative immédiate en Île-de-France reste élevée, avec 8,50% au 4ème trimestre 2023, et certains secteurs sont en souffrance sévère comme la péri-Défense avec près de 24%2 de vacance locative.
Les bureaux dans les métropoles et régions françaises : nous restons acquéreurs, en privilégiant les locataires solides avec des baux à long terme
Les métropoles régionales affichent des fondamentaux sains et équilibrés, et continuent de bénéficier d’une dynamique de développement positive. Nous restons donc acquéreurs tout en étant particulièrement vigilants aux enjeux démographiques, économiques, climatiques et énergétiques, et donc à la qualité du bâti, et en privilégiant les actifs avec des locataires solides et/ou des baux fermes à long terme.
Point de repère : la vacance locative immédiate se situait entre 3% et 6%3 dans les métropoles régionales françaises en 2023, un niveau stable depuis plusieurs années.
Les bureaux en Europe : nous regardons prioritairement les marchés profonds et attachons une grande importance à la solvabilité des locataires
En Europe, les marchés des bureaux sont évidemment très différents d’un pays et d’une ville à l’autre. Mais in fine la même logique prévaut : avant de décider d’investir dans un pays ou dans telle ou telle ville, nous apprécions le couple rendement-risque. Le rendement est relativement facile à connaître et à comparer ; ainsi, sauf exception, nous écartons les dossiers générant moins de 6% de rendement immédiat. Pour ce qui est du risque, nous procédons en trois temps. Premièrement, nous privilégions les villes affichant une profondeur de marché avec des prises à bail supérieures à 100 000 m² par an. Un seuil qui nous amène à regarder des villes qui ressemblent aux métropoles françaises par la taille de leur marché locatif de bureaux. Deuxièmement, dans ces villes cibles, nous portons une grande attention au taux de vacance secteur par secteur, pour nous tenir éloignés de ceux où l’offre excède (et excédera durablement) la demande. Troisièmement, et comme pour toute acquisition, nous regardons l’actif, le locataire, et le bail pour juger de l’équilibre bénéfice-risque dans son ensemble. Cette approche nous a amenés à signer plusieurs acquisitions aux Pays-Bas mais à nous tenir écartés, à ce jour, de l’Espagne (mais où nous pourrions investir sur opportunité dans des secteurs précis) ; et elle devrait nous amener à investir sur de nouveaux marchés comme l’Irlande ou l’Allemagne à terme.
Points de repère : la vacance locative immédiate à Amsterdam était de 6,7% au 4ème trimestre 2023 alors qu’elle atteignait 9,90% à Madrid et 12,20% Barcelone ; à comparer à 8% en moyenne dans les 32 principaux marchés européens4.
Commerces : en France, nous restons acquéreurs i) de boutiques en pied d’immeuble dans les rues commerçantes établies ii) de retail park dynamiques en régions ; en Europe nous concentrons nos efforts sur les retail park
Sauf opportunité, nous restons éloignés des centres commerciaux dont le taux de vacance reste élevé en raison de leur surexposition au secteur du prêt-à-porter et à un modèle économique fragilisé par l’importance des charges. En revanche, nous restons acheteurs de commerces en pied d’immeubles en centre-ville dans les zones porteuses (consommation domestique ou touristique). Et nous privilégierons les retail park en Europe comme dans les régions françaises, dont les fondamentaux demeurent et se caractérisent par des taux d’occupation élevés, et une attractivité confirmée par sa clientèle pour les prix attractifs qui y sont pratiqués.
Point de repère
- En France : le taux de vacance des retail park était de 6,62% en 2023, un chiffre faible et en baisse continue depuis 2020 ;
- En Europe : les retail park ont attiré 49% des montants avec 8,5 milliards investis en immobilier de commerce en 2023. Un montant en baisse de 28% par rapport à 2022, mais qui démontre l’attractivité relative de ce segment si on le compare à la baisse générale de 51% des montants investis en immobilier d’entreprise en 20235 ;
- En Espagne : le taux de rendement prime6 des retail park est resté stable en 2023, une stabilité constatée depuis 20217ce qui montre l’attrait de ce segment aux yeux des investisseurs.
Locaux d’activités et entrepôts de petite taille : nous continuerons à être acquéreurs en France et en Europe
Un marché sain et équilibré où l’immobilier joue un rôle clé dans les opérations des locataires, ce qui les incite à opter pour des baux fermes à long terme.
Ajoutons que ce marché est caractérisé par une offre faible (malgré la volonté de libérer du foncier dans le cas de la France, dans le cadre de la stratégie de réindustrialisation). Précisons que nous restons éloignés des entrepôts de très grande taille car ils répondent à des dynamiques de marché différentes qui se jouent à l’échelle paneuropéenne et nécessitent de disposer d’un poids conséquent face aux grands utilisateurs.
Points de repère sur les locaux d’activités en régions en France :
- Plus de 2,25 millions de mètres carrés ont été pris à bail en 2023 en régions, un volume proche de 20228 ;
- Sur un an, les loyers ont progressé de 5% en moyenne pour les locaux neufs et de 10% pour les locaux de seconde main9.
Tourisme : nous voyons favorablement ce segment de marché et allons renforcer l’exposition de nos SCPI
En pratique, nous nous porterons acquéreurs d’actifs d’hôtellerie de plein air en France si des offres se présentent, et nous rentrerons sur le segment de l’hôtellerie classique en France et en Europe.
Depuis quelques années nous sommes présents sur l’hôtellerie de plein air ; un marché spécialisé attractif car caractérisé par une dynamique positive de la demande finale et par des fortes barrières à l’entrée, ce qui profite aux exploitants actuels et à leurs propriétaires.
En 2024, nous nous positionnerons sur les hôtels classiques dont les sous-jacents économiques et immobiliers sont favorables. En effet, le tourisme est porté par une demande qui augmente plus vite que l’offre en Europe et en France, ce qui alimente la hausse des revenus des exploitants. En parallèle, le parc existant requiert des investissements conséquents du côté immobilier et du côté exploitation, pour répondre aux évolutions des modes de consommation. De plus, cette exposition à ces secteurs contribuera favorablement à la diversification des revenus locatifs de nos SCPI.
Points de repère :
- En France : le revenu moyen par chambre pondéré par le taux d’occupation (RevPar) a augmenté de 15,6% sur 2023. Ajoutons que ce segment de marché a attiré 2,1 milliards d’euros en 2023, un montant très proche de celui de 2022 (2,3 milliards d’euros) ce qui reflète le sentiment positif des investisseurs en la matière10. Et soulignons que le marché de l’investissement en immobilier de tourisme fait la part belle aux métropoles régionales où 50% à 66% des montants ont été investis depuis 201811, une caractéristique parfaitement alignée avec notre marque de fabrique ;
- En Europe : les montants investis en 2023 ont baissé de seulement 12% sur 12 mois glissants, à comparer à une baisse de moitié sur la même période pour l’immobilier d’entreprise12.
Santé et éducation : nous allons renforcer notre exposition à ces secteurs, en particulier celui de la santé en France ou en Europe
Ces segments sont caractérisés par une demande en hausse, portée par des besoins structurellement en croissance, et par une offre limitée en raison de la spécificité des actifs ou de la rareté des autorisations administratives. Une tendance qui joue en faveur des propriétaires de ce type d’actifs. De plus, cette exposition à ces secteurs contribuera favorablement à la diversification des revenus locatifs de nos SCPI.
Points de repère13 :
- Entre 2012 et 2022, l’immobilier de santé en Europe a connu, en moyenne, une hausse de 16% des montants investis annuellement ;
- Le segment des résidences gérées et des cliniques est caractérisé par un marché animé par des opérateurs de premier plan qui signent des baux longs allant de 12 à 20 ans selon les pays ;
- La période 2024-2025 devrait être particulièrement propice aux nouveaux entrants sur ce segment dans la mesure où les cinq principaux investisseurs qui étaient actifs ces dernières années, et qui concentraient 40% des montants investis, devraient être beaucoup moins actifs à l’acquisition.
- Source : Europe CRE 360 Economic Outlook Real Estate Perspective, BNPPRE, Février 2024. ↩︎
- Source : At a glance 2023T4, Les bureaux en Île-de-France, BNPPRE, mars 2024. ↩︎
- Source : Les régions résistent-elles mieux à la crise ? présentation IEIF reprenant les données d’Arthur Loyd, 4 avril 2024 (il est précisé que la seule ville avec un taux de vacance supérieur à 6% est Grenoble (9%)). ↩︎
- Source : Europe CRE 360 Economic Outlook Real Estate Perspective, BNPPRE, février 2024 (voir page 21 pour les volumes de transactions locatives par ville, page 22 pour les taux de vacances des bureaux par ville). ↩︎
- Source : Europe CRE 360 Economic Outlook Real Estate Perspective, BNPPRE, février 2024. ↩︎
- Définition : le taux de rendement prime est celui constaté pour les actifs de meilleure qualité dans leur catégorie (ici, les retail park en Espagne). ↩︎
- Source : Retail market in Europe : a mixed picture for investment, occupiers faring better thanks to luxury and tourism, Communiqué de presse, BNPPRE, 28 février 2024. ↩︎
- Source : Locaux d’activité en régions : un marché très résilient avec 2,25 millions de m² commercialisés et 630 m€ investis, Communiqué de presse, BNPPRE, 21 mars 2024. ↩︎
- Source : Locaux d’activité en régions : un marché très résilient avec 2,25 millions de m² commercialisés et 630 m€ investis, Communiqué de presse, BNPPRE, 21 mars 2024. ↩︎
- Source : At a glance 2023 T4 Le marché hôtelier en France « des performances élevées », BNPPRE, 12 mars 2024. ↩︎
- Source : Parole d’experts – Des volumes d’investissement en hôtels toujours importants, CBRE France, 29 janvier 2024. ↩︎
- Source : Figures, European Real Estate Investment Volumes Q4 2023, CBRE, 2 février 2024 ↩︎
- Source : Analyse interne réalisée par les équipes ATLAND Voisin ↩︎